Cet article présente les 8 espèces de reptiles observées sur la commune. C’est aussi l’occasion de tordre le cou à quelques idées reçues concernant les serpents… Une neuvième espèce, la coronelle lisse (une petite couleuvre qui ressemble à une vipère) a été récemment observée sur Lugny à l’occasion d’un inventaire, et dans le sud du Mâconnais, mais nous ne l’avons pas encore détectée à Saint Maurice.
Le lézard des murailles (Podarcis muralis) :
Il s’agit évidemment de notre lézard le plus commun. Le lézard des murailles est répandu dans une grande partie de l’Europe, mais il évite les régions au climat continental (Allemagne, Pologne) ou trop froid (Scandinavie). La reproduction a lieu en avril-mai mais peut s’étaler de de mars à juin, et il arrive parfois que trois pontes se succèdent lorsque les conditions sont favorables. Les mâles sont assez territoriaux durant cette période, et n’hésitent pas à mordre les concurrents qui viendraient s’aventurer sur leur territoire. Le statut taxonomique de ce lézard a suscité de nombreux débats : pas moins de 30 sous espèces avaient été identifiées (surtout en Europe du Sud et de l’Est), mais elles ne sont plus que 6 à être reconnues aujourd’hui. Insectivore, il lui arrive de prédater un mollusque ou un lombric. Comme son nom l’indique, il apprécie les murs de pierre sèches ensoleillés et le milieu bâti en général, surtout dans les régions où les pierriers sont rares voire absents. Les anfractuosités ombragées sont importantes pour la thermorégulation de cet ectotherme et sa fuite face aux prédateurs (nos chats domestiques font des ravages, les corneilles en sont également friandes), mais avec l’avènement du béton, elles se font de plus en plus rares. Des spécimens “à deux queues” sont parfois observés : il s’agit d’une croissance hasardeuse suite à une autotomie “ratée” (perte de la queue pour échapper à un prédateur). Le dimorphisme sexuel est assez flagrant : la bande sombre qui parcourt les flancs des femelles (cf photos) sont assez droites et nettes, tandis que celle des mâles est irrégulière, avec des taches noires. La longueur (queue comprise) ne dépasse presque jamais les 20cm.
Le lézard à deux raies / lézard vert occidental (Lacerta bilineata) :
Avec le réchauffement climatique, ce lézard imposant est en pleine expansion dans le nord de la France. Autochtone en Mâconnais, il s’y est toutefois multiplié ces dernières années. Il est actuellement présent dans le nord de l’Espagne, l’Italie et la majeure partie de la France (excepté l’extrême nord-est). Plus farouche que le lézard des murailles, il peut se rencontrer dans les jardins, mais préfèrent les haies denses et talus enfrichés (et parfois les vignobles), voire les bois calcaires les plus denses. Localement, il est très abondant sur la forêt fruitière des Jaudières et le bois Bussière (au dessus de Champagne), ainsi qu’à Satonnay, entre Gourlaine et le Vernay. Il n’est pas rare de croiser des individus de 30 cm. La coloration est… verte, ponctuée chez le mâle adulte de points noirs plus ou moins nombreux. En période de reproduction, la gorge du mâle devient bleu vif (chez certaines femelles également, mais moins visible) mais cette coloration peut s’atténuer s’il y a peu d’autres mâles à proximité. Car le lézard vert est territorial, et sa morsure est plus puissante que celle du lézard des murailles… Il est enclin à mordre lorsqu’il est manipulé. Les mâles sont assez agressifs avec les femelles, qu’ils mordent au niveau du cou pendant l’accouplement. Ainsi, en période nuptiale, mâles comme femelles ont souvent quelques écailles manquantes…
L’orvet fragile (Anguis fragilis) :
Ce curieux lézard n’a pas de pattes, et cela lui coûte parfois la vie : ressembler à un serpent aux yeux d’un humain peut s’avérer dangereux… Il est pourtant parfaitement inoffensif. Heureusement pour lui, l’orvet est une espèce extrêmement discrète. Il se nourrit des mêmes proies que les autres lézards, avec une préférence pour les lombrics et les limaces. L’orvet évite les milieux secs : on le retrouve principalement en forêt de feuillus humide. Il peut aussi se réfugier dans les jardins les plus sauvages, dans un vieux tas de bois ou de feuilles mortes… Vivipare, la femelle ne pond aucun oeuf : après l’accouplement en mai-juin, elle met bas à quelques (une douzaine) juvéniles directement formés, en août-septembre. On la reconnaît du mâle grâce à la bande sombre qui parcoure ses flancs (photo de droite), là où le mâle, plus petit, présente une coloration homogène (photo de gauche). La peau est plus lisse que celle des autres lézards, et se régénère beaucoup moins. Les mâles ne dépassent que rarement les 30cm, mais certaines femelles peuvent atteindre 50 (voire 60) cm. L’orvet est connu pour sa longévité élevée, autour de trente ans. Malheureusement, de trop nombreux individus sont observés écrasés, victimes du trafic routier. C’est notamment le cas sur la route de Satonnay, en forêt. Localement, l’orvet se retrouve dans les forêts humides avec de grands ronciers, à proximité relative d’un ruisseau (bois du Taillis, bois de Gourlaine, et plus rarement en forêt de Chailloux).
La couleuvre helvétique (Natrix helvetica) :
La couleuvre helvétique était encore récemment appelée couleuvre à collier, mais ce nom est maintenant attribué à une espèce proche qui se trouve à l’Est du Rhin. De coloration très variable, elle est généralement grise ou brun clair, ornée de petites taches sombres sur les flancs, mais certains individus ont le corps entièrement noir. La plupart du temps, la tête est précédée d’un double collier noir et blanc. Il s’agit d’un serpent relativement petit (rarement plus d’un mètre, mais certaines femelles atteignent 1m30), qui apprécie les environnements frais et humides. On le retrouve donc fréquemment dans les jardins ombragés, où il lui arrive de pondre dans un compost… Lorsqu’elle est dérangée, cette couleuvre “fait la morte” : immobile, elle dégage une odeur nauséabonde, censée repousser les prédateurs, et ne bronche pas, même si quelqu’un la manipule. Du sang peut même couler de sa bouche ouverte pour parfaire la simulation ! Elle se nourrit de mollusques et de rongeurs, mais également d’amphibiens voire de petits poissons, puisque c’est une excellente nageuse, qui s’éloigne rarement d’un point d’eau (elle préfère les fossés et les étangs calmes aux eaux courantes des rivières). Des comportements charognards ont été observés. La reproduction commence dès la fin de l’hibernation, en avril, et peut durer jusqu’à l’automne.
La couleuvre vipérine (Natrix maura) :
Il s’agit là encore d’une espèce aquatique, plus encore que la couleuvre helvétique, puisqu’elle peut plonger et traquer ses proies (poissons, grenouilles et têtards) jusqu’au fond de l’eau. La couleuvre vipérine porte bien son nom : bien qu’il s’agisse d’une couleuvre, les motifs sombre en zigzag de son dos évoquent ceux de la vipère aspic, dont elle se distingue par une pupille ronde, une tête dans le prolongement du corps (triangulaire chez la vipère) et recouverte de grosses écailles. La coloration est variable, de brun clair à marron foncé en passant par le gris sombre, mais le motif dorsal caractéristique se retrouve chez la plupart des individus. Cette petite couleuvre (60cm), qui à l’inverse de l’helvétique préfère les rivières aux étangs, est menacée par l’assèchement précoce des cours d’eau, et par la destruction de la ripisylve (flore des berges). Menacée, elle siffle bruyamment et émet une substance malodorante. D’affinité méridionale, on la retrouve en France (excepté dans le tiers nord), en Espagne et en Afrique du Nord. Localement, elle a été occasionnellement observée le long de la Mouge (à Bugy notamment). La reproduction a lieu en avril – mai. Généralement, cette couleuvre hiverne assez longtemps, d’octobre à mars.
La couleuvre verte et jaune (Hierophis viridiflavus) :
De taille assez imposante (entre 1m20 et 1m60), la couleuvre verte et jaune se reconnaît à sa coloration brune à noire ponctuée de jaunâtre, mais de nombreux individus arbore un brun clair homogène. Ces ponctuations forment de fines bandes le long de la queue. Les yeux sont grands, la tête est jaune claire tachée de noir. A l’inverse des deux espèces précédentes, elle apprécie les endroits secs et ensoleillés, bien exposés (prairies de fauche, friches, talus routiers, etc). Cette couleuvre méridionale est le plus commun de nos serpents avec la couleuvre helvétique. A l’échelle européenne pourtant, mises à part quelques exceptions, elle est cantonnée à la France (absente du nord), l’Italie, la Corse et la Sardaigne. Elle peut utiliser la constriction pour venir à bout de certaines de ses proies, qui incluent les rongeurs autant que les amphibiens ou les reptiles, voire les oiseaux. Tout à fait inoffensive, l’espèce traîne cependant une réputation d’agressivité. Contrairement aux autres couleuvres, elle ne fuit pas toujours ou ne simule pas la mort lorsqu’elle se sent menacée : elle préfère se dresser face au danger et peut mordre si nécessaire, mais elle ne possède aucun venin ! La reproduction est assez tardive (mai-juin, les oeufs éclosent à la toute fin de l’été).
La couleuvre d’Esculape (Zamenis longissimus) :
Cette grande couleuvre se reconnaît aisément à sa coloration brune homogène, parfois très sombre (le ventre est jaunâtre, le dos peut être parcouru de bandes plus claires). Une petite bande sombre plus ou moins nette s’étend derrière l’oeil. Certaines écailles des flancs sont marginées de blanc. Il s’agit du plus grand de nos serpents : il n’est pas rare de croiser des individus de 2 mètres. Cette couleuvre évite l’altitude et recherche les environnements relativement chauds et humides, avec beaucoup de végétation. Elle fréquente les lisières de forêt, les haies bocagères et parfois les jardins “sauvages”. Elle peut grimper aux arbres et, tout comme la couleuvre verte et jaune, tue ses proies en les étouffant (rongeurs, oiseaux). Inoffensive, elle ne mord que très rarement, et ne possède pas de crochets à venin (serpents dits “aglyphes”). La reproduction est également tardive : les oeufs sont pondus en juillet. A l’échelle européenne, elle est assez largement répartie dans la moitié sud du continent, à l’exception de l’Espagne. On la retrouve donc en France (excepté dans le nord), en Italie, en Grèce et en Europe de l’Est, au sud de la Pologne. Le serpent qui s’enroule autour du caducée – symbole des médecins – serait une couleuvre d’Esculape.
La vipère aspic (Vipera aspis) :
Les couleuvres sont régulièrement confondues avec les vipères. La distinction est pourtant aisée : la tête de la vipère est triangulaire et nettement distincte du reste du corps. Elle est recouverte de toutes petites écailles. Ses yeux arborent une pupille en fente et non pas ronde, et son museau est “retroussé” vers le haut. Pour finir, sa queue est nettement moins large que le reste de son corps. La vipère aspic se reconnaît à son assez grande taille pour une vipère (60cm voire plus), et à ses bandes transversales noires qui ornent sa peau brune, gris clair ou orangée, parfois reliées entre elles par une ligne dorsale longitudinale. Une petite bande sombre marque la tête derrière l’oeil. Le ventre est gris clair tacheté de sombre. Elle est la seule vipère observable localement, et en assez faible abondance. Elle recherche les milieux secs (à de rares exceptions) et surtout ensoleillés, avec des hautes herbes et de la rocaille. Elle est répandue en France (avec là encore une absence du nord…) et en Italie. On la retrouve aussi à quelques endroits de la Suisse et de l’Espagne. C’est une espèce vivipare : les femelles ne pondent pas d’oeufs mais donnent directement naissance à une douzaine de jeunes en août. Une seconde reproduction peut parfois avoir lieu en automne. Les accouplements sont spectaculaires, avec une multitude de mâles amassés autour d’une seule femelle. Les proies (petits rongeurs, oisillons, petits reptiles) sont tuées par le venin. Ce dernier est réputé assez puissant, mais les cas de morsures sont rares, et les morsures mortelles plus rares encore : chaque année en France, une à cinq personnes environ décèdent suite à une morsure de vipère aspic, mais dans la plupart des cas, une prise en charge médicale rapide suffit à écarter tout danger.