Dernière partie de notre tour d’horizon des orchidées locales !
Première partie disponible ici : Les orchidées de Saint Maurice, épisode 1 – ADN (adn-sms.fr)
Deuxième partie disponible ici : Les orchidées de Saint Maurice, épisode 2 – ADN (adn-sms.fr)
L’orchis bouc :
L’aspect de l’orchis bouc ne vend pas vraiment du rêve… Les labelles, blanchâtres, sont très allongés, en forme de “langues”, et tachetés de violet à leur base. Les fleurs, qui s’ouvrent de fin avril à fin juin, sont encadrées de bractées (feuilles modifiées) vert pâle. Cette espèce, nommée “barbone fetido” (clochard puant) de l’autre côté des Alpes, porte bien son nom, puisqu’elle dégage une odeur qui évoque un savant mélange d’ordures et de transpiration. Certains y sont plus sensibles que d’autres : ces effluves caractéristiques ne sont pas très fortes. Autre particularité, l’orchis bouc, dont l’inflorescence imposante peut atteindre plus de 60cm de haut, est l’une des rares orchidées à contenir du nectar. Il est donc très visité par une multitude de coléoptères et d’hyménoptères.
L’orchis bouc peut pousser un peu partout (sauf en forêt). Très peu exigeant, il évite cependant les forêts. On le retrouvera parfois en pelouse calcaire, et surtout sur les talus herbeux le long des routes ou des chemins. Localement, on peut le dénicher à quelques endroits précis de la pelouse calcaire de Champagne, et sur les talus herbeux du chemin qui passe en dessous de cette pelouse (une grosse trentaine au total). Il est également bien implanté sur la route de Clessé, là encore sur les talus, sur la petite côte juste après avoir passé l’étang des Jaudières. Quelques individus subsistent le long de la route d’Igé, un peu avant la Cra. Il est assez localisé à Satonnay (pelouse de Mornay et bord de chemins). Mais le spot le plus impressionnant se situe aux Pommerats, dans un pré en face de l’étang des Jaudières, où l’on peut trouver une orchidée tous les deux mètres (plusieurs centaines au total).
L’orchis homme pendu :
Une autre espèce d’aspect discret, d’autant plus que l’orchis homme pendu, aussi appelé “acéras homme pendu”, ne dépasse que rarement les 15 cm. La forme de ses labelles, qui évoque une myriade d’hommes suspendus le long de la tige, rend impossible la confusion. Tous comme l’orchis bouc, il est très répandu car peu exigeant, mais préfère les terrains bien exposés. On ne le retrouve que rarement en forêt. Mais à la différence du précédent, il ne produit aucun nectar.
Localement, l’homme pendu est présent par spots localisés mais assez denses, sur la pelouse calcaire de Champagne, et à la lisière sud du bois Bussière (environ 150 plantes). Quelques individus sont présents le long du chemin qui fait le tour de la butte du Tuzot, et sur un bas côté herbeux de la route d’Igé, coincé contre un bosquet.
L’ophrys araignée :
Les ophrys ont une stratégie bien à eux pour se reproduire. Ne produisant aucun nectar, ils choisissent de mimer grossièrement avec leurs fleurs la forme de petite taille (rarement plus de 10cm de haut) et la couleur des femelles de certains insectes (mouches ou guêpes selon les espèces). Les mâles, subjugués, s’agrippent à ce qu’ils pensent être un éventuel partenaire… et le tour est joué. Dans le cas de l’ophrys araignée, c’est une espèce d’abeille solitaire qui est visée. L’ophrys araignée ne peut être confondu avec aucun autre ophrys localement : le labelle est d’un joli brun roussâtre, bordé de jaune vif, et rehaussé d’une tache rousse ou violacée en forme de “H”. Mais dans le sud de la France, il peut cohabiter avec de nombreuses espèces proches extrêmement similaires (la taxonomie de ces plantes n’est pas encore bien définie d’ailleurs). Il présente la particularité de fleurir assez tôt par rapport aux autres ophrys, puisqu’on peut l’admirer de fin mars à avril. C’est une espèce inféodée aux milieux secs et bien exposés. Sur la commune, on le retrouve exclusivement sur la pelouse calcaire de Champagne. Il semble mieux implanté dans la partie haute (côté forêt) de la pelouse, mais le nombre de pieds en fleur fluctue énormément d’une année à l’autre (entre 10 et 40).
L’ophrys mouche :
L’oprhys mouche est une beauté discrète : du haut de sa petite dizaine de centimètres, on le remarque difficilement au milieux des herbes. Pourtant, le brun rougeâtre de ses petites fleurs contraste fort joliment avec la tache bleutée du labelle central et le vert de ses sépales. Le gymnostène (organes reproducteurs, groupés chez les orchidées), taché d’écarlate et surmontant le labelle, est particulièrement visible. C’est le plus abondant de nos ophrys, et aussi le plus inféodé aux milieux extrêmement secs et ensoleillés, avec un substrat calcaire et une végétation rase. La forme de ses fleurs, qui s’ouvrent de fin avril à fin juin, est censée attirer les mâles du genre Argogorytes : elles vont jusqu’à imiter les phéromones des guêpes femelles…
Localement, l’opphrys mouche est bien présent sur la pelouse de Champagne. Lors de l’inventaire mené par ADN en 2022, 71 pieds y ont été détectés, mais ce nombre doit être sous estimé, compte tenu de la discrétion de la fleur minuscule. Il est beaucoup moins abondant sur la butte du Tuzot (petite colline au sud d’Azé).
L’ophrys bourdon :
L’ophrys bourdon est une espèce aussi belle que compliquée d’un point de vue taxonomique. De nombreuses sous espèces et noms latins alternatifs coexistent chez cette plante d’aspect variable mais toujours très coloré. Attention, certains individus (photo de gauche) peuvent présenter des similarités avec l’ophrys bécasse. Le labelle (pétale central) est particulièrement large pour un ophrys, roussâtre, orné de motifs jaunes ou bruns complexes qui varient selon les individus, avec toutefois une constante : la ou les tache(s) ronde(s) au centre. Le jaune est parfois remplacé par du marron clair. Les sépales sont d’un beau rose vif, mais peuvent parfois prendre une couleur blanche ou verdâtre. Les pétales sont roses, parfois violacés. Comme tous les ophrys, il apprécie les pelouses sèches bien exposées, mais il évite le pourtour méditerranéen, où plusieurs espèces proches le remplacent. D’ailleurs, il tolèrent moins les milieux extrêmement secs que les ophrys précédents (araignée et mouche). Sur la commune, on le retrouve principalement dans la partie basse de la pelouse calcaire qui surplombe les vignes de Champagne (une trentaine). La floraison est assez tardive, de toute fin avril à début juillet. Attention à la confusion avec l’ophrys abeille (voir ci dessous), que l’on retrouve aussi dans les environs. L’ophrys bourdon se reconnaît au petit repli vert en bas de son labelle, à son labelle brun, avec peu voir pas de jaune, rond et sans appendice. Les deux petits pétales qui surmontent le gymnostème (partie verte et pointue de la fleur sur la photo) sont roses, de la même couleur que les trois grands sépales situés juste derrière (ces pétales sont verts chez l’ophrys abeille). Les autres critères sont beaucoup moins fiables.
L’ophrys abeille :
L’ophrys abeille, proche de l’ophrys bourdon, s’en différencie par les deux petits pétales verts (et non roses) qui contrastent avec les trois grands sépales, et par les appendices situés de chaque côté du labelle, qui est également moins large et taché de jaune. Attention, ce jaune se retrouve aussi chez certains ophrys bourdon, mais chez l’abeille, il prend généralement la forme d’un “U” irrégulier. Cependant, certains ophrys bourdons présentent des caractéristiques similaires… L’ophrys abeille est très répandu en France, c’est l’une des orchidées les plus communes. Curieusement, elle n’est pas très abondante localement : deux ou trois spécimens se laissent apercevoir certaines années sur les pelouses calcaires de Champagne et de Châtenay. Des petits spots existeraient sur des jardins à Saint Maurice et à Satonnay ; contrairement aux autres ophrys, il n’est pas particulièrement inféodé aux pelouses sèches. On en trouve également aux Jaudières. Autre singularité : même si ses fleurs sont également des leurres destinées à tromper les mâles d’abeilles sauvages, l’ophrys abeille peut avoir recours à l’autofécondation.
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